Nicolas Gigault
1625 - 1707

Visite de l'école d'orgue française
des XVIIe et XVIIIe siècles.

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 Exemples musicaux joués à Guibray : 

Prélude ( 7 Mo)

 

 

Né à Paris, Nicolas Gigault est issu d’un milieu aisé : à treize ans il possède déjà une épinette à grand clavier ! Il accumulera au long de sa vie une magnifique collection d’instruments, dont un cabinet d’orgue, trois clavecins, trois épinettes, deux « manicordions » (clavicordes) et un grand nombre d’instruments à archet.

On ignore tout de sa formation. Il est probable qu’il étudia avec l’organiste de Notre-Dame, Charles Racquet, ami de son père. On évoque aussi le nom d’Etienne Richard, son prédécesseur à Saint-Nicolas des Champs. La légende a fait de Gigault un des maîtres de Lully, de cinq ans seulement son cadet.

Il occupa divers postes d’organiste, aux Jacobins de la rue Saint-Honoré dès l’âge de dix-neuf ans puis, de 1652 à sa mort (20 Août 1707), à Saint-Nicolas des Champs. Selon les habitudes du temps, il cumulait cette paroisse avec le prieuré voisin de Saint-Martin des Champs (1673) et l’hôpital du Saint-Esprit (1685).

Musicien estimé de ses collègues, Gigault joua un rôle important dans la fameuse querelle des ménétriers et des claviéristes qui défraya la chronique à la fin du XVIIe siècle.

Il laisse deux Livres de musique, l’un contenant des Noëls « qui peuvent être touchés sur l’orgue et aussi sur le clavecin comme aussi sur le luth, les violes, violons, flûtes et autres instruments » (1683), premier d’un genre promis à un bel avenir, l’autre spécialement dédié à l’orgue et contenant « plus de 180 pièces de tous les caractères du touché », destinées à l’alternance, dont trois messes et divers hymnes (1685). Ce recueil contient en outre le seul motet de Gigault qui nous soit parvenu, un Tantum ergo à deux voix en canon, curieusement sous-titré « Echo ».

La musique de Gigault est volontiers archaïque. Elle illustre, avec quelque retard, le style en vogue au début du règne de Louis XIV, et dont le plus bel exemple est fourni par les pièces de Louis Couperin, né un an avant lui mais disparu prématurément en 1661. Imprévisible, instable, truffé de dissonances surprenantes, tour à tour introspectif et virevoltant, ce style peut être qualifié de « baroque », dans le véritable sens du mot. Gigault a-t-il fait partie, comme Louis Couperin, du cénacle qui se réunit autour de Froberger, en visite à Paris en 1652 ? Ce fut alors une petite révolution pour les claviéristes, auxquels le fameux « globe-trotter » d’origine allemande révéla l’art de son maître Frescobaldi.

Les pièces de Gigault sont de nature polyphonique (le nombre de voix est constant et toujours signalé dans le titre, même dans les Récits), mais, paradoxalement, infiniment plus instrumentales que vocales. A l’encontre de l’ancêtre Titelouze – auquel Gigault fait référence – et de son contemporain Roberday, ce sont de caprices d’improvisateur qu’il nous livre, où se révèle l’influence du ballet de cour, de l’art fantasque des claviéristes italiens mais aussi du style propre à la viole de gambe alors en plein essor.

Avec le premier Livre d’orgue (1676) de Nicolas Lebègue (1631-1702), organiste du Roi et de l’église voisine de Saint-Merry, un nouveau style se fait jour qui deviendra la référence pour la génération suivante, celle des François Couperin, Louis Marchand et Louis Nicolas Clérambault. De ce style qui renoue avec l’art vocal, celui des motets versaillais et des tragédies en musique de Lully, habilement mêlé à l’art violonistique de Corelli, le vieux Gigault n’avait cure. Dernier représentant d’une génération dont les membres les plus éminents disparurent prématurément, il demeura fidèle au style de sa jeunesse dans son Livre de 1685, publié à l’âge de cinquante-huit ans.

François Couperin, protégé de Delalande, nommé organiste du Roi à l’âge de vingt-cinq ans (1693), affirmait, en manière de credo artistique : « Je préfère ce qui me touche à ce que me surprend ». Nul doute que Gigault, parisien insensible aux muses versaillaises, ne mettait en pratique une doctrine inverse. Au moins devait-il se sentir à l’aise dans sa belle église Saint-Nicolas des Champs, si marquée par le premier XVIIe siècle, entre son vénérable buffet d’orgue et le magnifique retable de Simon Vouet daté de 1629.

(Biographie rédigée par Vincent Genvrin).

 

 

 

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Mis à jour : 19 Juillet 2007